Bishkek, Kyrgyzstan - Polarsteps

Rencontre avec l’histoire sur le bord de la piscine. Il fait trop chaud à Bichkek. Nous sommes à l’auberge : chambre climatisée, Ulysse à l’ombre et piscine toute la journée pour les deux Canadiens bons à rien lorsque le mercure dépasse 35 o. Nous faisons la rencontre d’Ernst et Johannes, deux Allemands qui arrivent d’un yurt camp au lac Son Koul. Nous échangeons des banalités sur nos voyages comme le font toutes les voyageuses et tous les voyageurs. Nous abordons le sujet de la mixité ethnique en Asie centrale qui nous a frappés ; la région de Bichkek en est un bon exemple avec ses populations caucasiennes et orientales. Puis, ils nous disent que Johannes est né au Kirghizistan et Ernst en Ouzbékistan puis ils sortent diner au centre-ville. Pas nous, il fait encore trop chaud. En leur absence, nous nous interrogeons sur leurs origines. Nous savons qu’il y a deux possibilités : ils ont des ancêtres allemands prisonniers de guerre restés en URSS après 1945 ou ils descendent d’Allemands invités à coloniser les grandes terres de l’empire de Catherine la Grande au XVIIe siècle. En soirée, nous les retrouvons au bord de la piscine et abordons la question et les voilà qu’ils s’ouvrent et s’animent. En fait, l’objet de leur voyage était bien plus un pèlerinage dans les villages qu’ils ont quittés enfants, sous Gorbatchev, qu’une visite touristique. Leurs ancêtres sont des mennonites de l’ouest de l’Allemagne qui ont été nombreux à accepter l’invitation de la grande Catherine pour fuir les persécutions et profiter de la liberté religieuse que l’impératrice leur offrait s’ils s’établissaient dans les steppes nouvellement conquises par la Russie au détriment de l’Empire ottoman (Ukraine, vallée de la Volga). Puis au fil des guerres contre l’Allemagne, ces Russes allemands ont été déplacés à l’est. Ils nous parlent des anciens voisins qu’ils ont rencontrés dans leur village respectif en allant cogner aux portes. Ils ont revu leurs maisons et leurs jardins très peu changés. Le garage de l’ingénieux et inventif grand-père encore fonctionnel (dont le système d'eau froide et chaude) cent ans plus tard. Des voisins et des amis d’enfance ouzbeks et kirghizes qui se souviennent d’eux. Puis ils nous parlent du retour vers l’Allemagne (RFA) dans les années 1990, d’un premier essai raté, car le grand-père n’avait pas réussi à obtenir l’autorisation de voyage pour chacun des 70 membres de la famille et qu’il tenait à ce que toute la parenté quitte l’URSS ensemble, dans le même avion. Ils se souviennent des années d’adaptation difficiles au nouveau pays, de la langue allemande qu’il a fallu apprendre puisqu’ils parlaient un ancien allemand plus proche du flamand. Quelques heures avant leur retour à la maison, en nous racontant cette partie de leurs vacances, ils sont visiblement très émus et nous, nous sentons privilégiés qu’ils aient partagé leur histoire avec nous.